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"Une personne sur dix souffre d'addiction aux sucres et aux graisses"

Le sucre, aussi addictif que la cocaïne? De plus en plus d'études signalent un problème comportemental lié aux sucres et aux graisses, comme le test effectué avec des Oreo. Le chercheur Serge Ahmed nous répond.

Peut-on être aussi accro au sucre qu'à une drogue dure? Alors que les études et recherches avancent régulièrement des résultats inquiétants, à l'image du test sur des biscuits Oreo en octobre, nous avons demandé son avis à Serge Ahmed. Le directeur de recherche CNRS (université de Bordeaux) a publié une étude complète sur le sujet dès 2007.

Comment peut-on être aussi accro au sucre qu'à une drogue dure?

Les données qui permettraient de soutenir cette affirmation n'existent pas encore. Les certitudes qu'on a sont qu'il y a bien des personnes qui souffrent d'addiction à la nourriture. Les études réalisées dans le monde entier montrent que dans une population de poids normal, 10% présentent ce genre d'addiction.

Une personne sur dix? C'est beaucoup!

Et ce pourcentage augmente avec le poids. Il atteint 40 à 60% chez les personnes obèses.

Tous les sucres et graisses sont-ils concernés?

Il ne s'agit pas des graisses ou des sucres purs, mais de produits manufacturés complexes qui contiennent plusieurs ingrédients dont du sucre et/ou des graisses. Statistiquement, la plupart des produits concernés par ces études sont riches en sucre qui a été raffiné et ajouté.

Quels sont les mécanismes du cerveau en cas d'addiction?

Distinguons bien plaisir et addiction. Notre cerveau est en partie composé de circuits neuronaux spécialisés dans le plaisir et la récompense. Ils sont activés quand on mange quelque chose qui nous fait du bien, comme du sucré justement, ou qu'on écoute un bon morceau de musique, ou qu'on fait l'amour. Toutes ces formes de plaisir sont normales. L'addiction va se mettre en place lorsque vous allez vouloir renouveler l'expérience trop souvent et au détriment d'autres activités, donc lorsque vous aurez perdu le contrôle sur ce désir.

A partir de quelle dose doit-on s'inquiéter?

On parle de problème si on a déterminé que la consommation, quelle que soit sa quantité, pose des soucis de santé ou de comportement. Si, malgré ces problèmes, la personne continue sa consommation, bien qu'elle soit consciente des conséquences négatives, alors il y a addiction. Elle ne va pas pouvoir arrêter, car le désir est trop fort.

Comment s'en sortir?

C'est la question qui vaut un million! On se pose la question de l'addiction au sucre depuis peu. On a identifié un certain nombre de mécanismes mais on est très loin de comprendre comment le sucre peut modifier le cerveau à tel point que l'individu en vient à perdre le contrôle de sa consommation.

Des étudiants du Connecticut College ont effectué, en octobre, un test montrant que les biscuits Oreo seraient aussi addictifs que la cocaïne. Que pensez-vous de leur expérience?

C'est un travail scolaire. Ils ont l'honnêteté de dire que ce n'est qu'un test préliminaire, non validé. Ils ont effectué ce qu'on appelle une "procédure contrôle", une expérience de conditionnement de place. Deux boîtes sont mises côte-à-côte et il y a un couloir qui permet à l'animal de choisir. Un jour, vous placez l'animal dans la boîte A, avec de l'Oreo, et vous le laissez manger dix minutes. Le lendemain, vous le mettez dans la boîte B avec le gâteau de riz. Il faut répéter cela plusieurs fois. Le jour du test, vous permettez à l'animal de choisir sa boîte, vide. Tout ce que ce test signifie, c'est que rat a aimé les Oreo. Cela n'indique aucune addiction.

Qu'auraient dû faire les étudiants pour prouver une addiction, alors?

Si on veut savoir si cette préférence est pathologique, il faut la rendre négative, voir si l'animal continue de préférer la boîte avec l'élément sucré alors qu'elle est associée à une douleur. Autre possibilité: le rat va y aller alors qu'il peut, dans l'autre boîte, s'engager dans un autre comportement, comme jouer avec un congénère. Si l'animal préférait alors aller dans un compartiment vide parce qu'il a été associé à un biscuit, plutôt que de jouer avec un "copain", cela indiquerait un problème.

Vous êtes allé bien plus loin dans votre étude de 2007...

On a utilisé des procédures d'injection de drogue en intraveineuse. Une injection forcée ne donne pas les mêmes résultats qu'une prise volontaire. On a créé une expérience où l'animal a un cathéter et peut obtenir volontairement des doses. On a ensuite proposé aux rats de choisir entre prendre de la drogue et boire de l'eau sucrée. Et la vaste majorité préfère l'eau sucrée à la drogue...

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